Les principaux freins d’intégration du handicap en entreprise

Le saviez-vous ? 31% des salariés ne déclarent pas son handicap sur son lieu de travail. Une récente étude menée par la Direction interministérielle de la transformation publique auprès des Services du Premier Ministre lève le voile sur un phénomène préoccupant : près d’un tiers des agents en situation de handicap renoncent à déclarer leur statut RQTH à leur employeur. Nous vous présentons les principaux freins de cette réalité.

En France, 3,1 millions de personnes bénéficient d’une reconnaissance administrative d’un handicap (RQTH), soit 7,5% de la population active.

Pourtant, dans la fonction publique d’État, le taux d’emploi direct des personnes en situation de handicap stagne à 4,4%, bien en deçà de l’objectif légal de 6%.

L’enquête menée auprès de 589 agents des Services du Premier Ministre révèle que 31% des participants en situation de handicap n’ont pas réalisé de demande RQTH. Parmi ceux qui possèdent déjà ce statut, seuls 7% choisissent de ne pas le transmettre à leur employeur.

Découvrons de plus près les freins lié au sujet du handicap en entreprise.

L’un des obstacles majeurs à la déclaration commence bien avant la démarche administrative elle-même : il réside dans l’acceptation de son propre handicap et le poids des représentations qu’il engendre.

« Dans la vie professionnelle, on ne se voit pas comme handicapé. Moi je vivais comme quelqu’un qui porterait des lunettes. » – Agent en situation de handicap

En effet, si 80% des handicaps sont invisibles, seuls 10% des Français en ont conscience. Dans l’imaginaire collectif, le handicap reste associé au fauteuil roulant, à la dépendance, à une incapacité physique visible et sévère.

Les handicaps invisibles, les grands oubliés : les troubles psychiques, les maladies chroniques, les troubles de l’attention (TDAH), le Covid long… Ces pathologies, pourtant reconnues au titre de la RQTH, sont rarement associées à la notion de handicap par les premiers concernés. Cette méconnaissance est parfois renforcée par les acteurs de prévention eux-mêmes :

« L’ancien médecin de prévention ne connaissait rien au handicap invisible. » – Agent PSH

Malgré les discours institutionnels inclusifs, 53% des participants considèrent que la déclaration du handicap expose à des remarques et comportements discriminatoires. Les stigmates sont toujours là …

Les entretiens menés révèlent trois niveaux de craintes :

1. Au niveau des collègues : la dévalorisation sociale

  • Peur du jugement et des préjugés
  • Changement dans les relations professionnelles
  • Remise en question de la légitimité du handicap, surtout s’il est invisible

2. Au niveau managérial : la dévalorisation des compétences

  • 62% des participants à une étude internationale considèrent le risque que l’employeur se focalise sur le handicap comme un facteur « très important » de non-déclaration
  • Perception persistante que les personnes handicapées seraient « moins productives » ou « difficiles à gérer »

« Quand on vous colle l’étiquette du ‘handicapé’, on considère que vous n’êtes bon à rien. C’est la double peine. » – Agent PSH

3. Au niveau de la carrière : la dévalorisation des perspectives professionnelles

  • 56% des participants estiment que la déclaration comporte un risque pour l’évolution professionnelle
  • 73% des personnes handicapées considèrent le risque de licenciement comme un facteur « très important » de non-déclaration
  • Dans la fonction publique, cette crainte touche particulièrement les agents contractuels (22% des effectifs)

Certains environnements professionnels valorisent particulièrement l’efficacité et la performance. Dans ces contextes, déclarer un handicap peut être perçu comme avouer une « faiblesse » :

« Il y a une culture de la performance dans mon entité. Donc dire qu’on a un handicap, c’est prendre le risque qu’on dise de nous qu’on n’est pas performant. » – Agent

Le processus d’obtention de la RQTH passe par la constitution d’un dossier MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées). 43% des personnes en situation de handicap interrogées estiment cette procédure complexe.

Les obstacles concrets :

  • Un formulaire long et peu accessible
  • Des délais de traitement moyens de 4,8 mois (pouvant aller jusqu’à 14 mois)
  • Des délais encore plus longs en Île-de-France
  • Un manque d’accompagnement dans la constitution du dossier

« La réalisation du dossier MDPH, c’est hyper long, on n’est pas du tout accompagné et c’est un gros problème. » – Agent PSH

Au-delà des aspects administratifs, la démarche représente une charge mentale considérable :

  • Temps nécessaire pour accéder à l’information et la comprendre
  • Énergie pour remplir le formulaire
  • Incertitude sur l’issue de la décision
  • Anticipation des difficultés de mise en œuvre des aménagements

« Après mon accident, j’avais 1 milliard de choses en tête et peu de choses étaient claires. On subit pas mal dans ces cas-là. » – Agent PSH

Si les coûts de la déclaration sont facilement identifiables, les bénéfices le sont beaucoup moins. Au-delà des aménagements physiques (matériel de bureau adapté, adaptations bâtimentaires), les agents ignorent souvent qu’ils peuvent bénéficier :

  • De modifications d’emploi du temps
  • D’un espace de travail isolé
  • D’aménagements des modalités de transport
  • D’un accompagnement renforcé

« Avant de recevoir ma RQTH, je n’avais aucune idée de toutes ces aides. » – Agent PSH

L’étude révèle qu’interrogés sur les raisons de leur non-déclaration, plus de la moitié des agents en situation de handicap sans RQTH indiquent que les avantages ne compensent pas les inconvénients potentiels.

Cette perception est renforcée par :

  • Des communications institutionnelles lointaines et peu personnalisées
  • Un manque de visibilité sur les aménagements déjà mis en œuvre dans l’organisation
  • Une difficile identification des acteurs de prévention (référent handicap, médecin du travail)
  • L’absence d’accompagnement proactif

Même lorsqu’un agent franchit le cap de la déclaration, il peut se heurter à des obstacles concrets :

1. Contraintes techniques ou sécuritaires Certains aménagements (matériel informatique adapté) peuvent poser des problèmes d’accès aux données sécurisées.

2. Contraintes bâtimentaires

  • 34% des agents en situation de handicap estiment qu’il est difficile d’accéder aux locaux de travail
  • Manque d’espaces isolés pour certains handicaps
  • Limitations du télétravail

3. Contraintes financières Les aménagements peuvent être coûteux et générer des remarques stigmatisantes :

« Limite on m’a dit ‘c’est honteux’ car l’aménagement était à plus de [X euros]. Ce n’était pas humiliant mais presque. » – Agent PSH

Les référents handicap et médecins du travail manquent parfois :

  • De formation sur la diversité des handicaps
  • De connaissance des conditions de travail spécifiques des agents
  • De temps et de ressources pour assurer un suivi personnalisé
  • D’outils pour accompagner efficacement les demandes

« J’avais l’impression que j’étais le premier agent à faire une déclaration. La personne était pleine de bonne volonté mais ne connaissait pas du tout mon cadre de travail. » – Agent PSH