Les stéréotypes de genre : quand notre cerveau nous joue des tours

« Les femmes ne savent pas se garer. »
« Les hommes ne savent pas exprimer leurs émotions. »

Nous connaissons tous ces clichés. Nous les dénonçons, nous en rions parfois, nous les combattons souvent. Mais saviez-vous qu’il existe en réalité trois types distincts de stéréotypes, chacun ayant un impact différent sur nos comportements et nos relations ? Et surtout, que le plus insidieux n’est pas celui que l’on croit ?

Les hétéro-stéréotypes : le stéréotype « classique »

Commençons par le plus évident : les hétéro-stéréotypes. Ce sont ces représentations simplifiées que nous avons de l’autre groupe. Ce que les femmes pensent des hommes, ce que les hommes pensent des femmes. Ces idées toutes faites qui circulent et se transmettent de génération en génération.

C’est le stéréotype dont on parle, celui que l’on dénonce dans les médias, dans les formations en entreprise, dans les discussions entre amis. Il existe, il est visible, identifiable. Et précisément parce qu’il est reconnu, nous avons développé des outils pour le combattre.

Les auto-stéréotypes : quand on s’enferme soi-même

Moins évidents, mais tout aussi puissants : les auto-stéréotypes. Ce sont les croyances que nous avons sur notre propre groupe. Les femmes sur les femmes, les hommes sur les hommes.

Le piège ? Nous les intériorisons souvent sans même nous en rendre compte. Ces stéréotypes deviennent une partie de notre identité, une façon « normale » de voir les choses. Combien de femmes se disent entre elles qu’elles sont « trop émotives » ? Combien d’hommes se rappellent mutuellement qu’il faut « être fort » ?

Ces croyances partagées au sein d’un même groupe peuvent sembler anodines, voire rassurantes. Pourtant, elles contribuent à perpétuer les clichés que nous prétendons combattre.

Les méta-stéréotypes : le piège de l’auto-censure

Et puis il y a lui : le méta-stéréotype. Le plus puissant. Le plus sournois. C’est ce que nous pensons que l’autre pense de nous.

Laissez-moi vous raconter une scène banale. Je suis une femme en train de me garer dans une rue étroite. Un homme passe sur le trottoir. Mon cerveau s’emballe immédiatement : « Il pense que les femmes ne savent pas faire de créneaux. » Mon stress monte. Mes mains se crispent sur le volant. Et devinez quoi ? Je rate mon créneau. Alors que d’habitude, je maîtrise parfaitement cette manœuvre.

Ce n’est pas la réalité de mes compétences qui a changé. C’est ma perception de ce qu’il pense qui a modifié mon comportement. Le méta-stéréotype a créé une prophétie auto-réalisatrice.

Quand l’imagination devient prison

Les méta-stéréotypes nous réduisent au silence avant même qu’un mot ne soit prononcé contre nous.

Une femme dans une réunion technique hésite à partager son idée pourtant brillante. Pourquoi ? Parce qu’elle imagine que les hommes présents la voient comme « moins compétente en tech ». Personne ne lui a dit cela. Personne ne le pense peut-être même. Mais elle s’est déjà censurée.

Un homme traverse une période difficile émotionnellement. Il refuse d’en parler à ses collègues ou même à ses proches. Pourquoi ? Parce qu’il croit que les femmes le verront comme « faible ». Encore une fois, personne ne lui a fait ce reproche. Mais la peur du jugement supposé suffit à le faire taire.

Nous nous censurons nous-mêmes, avant même que quelqu’un ne nous juge. Nous construisons des barrières imaginaires qui deviennent bien réelles dans leurs conséquences.

Briser le cercle vicieux

La bonne nouvelle ? Une fois que nous comprenons ce mécanisme, nous pouvons commencer à le déconstruire.

Sensibiliser et former les collaborateurs sur ces biais cognitifs n’est pas un luxe ou une case à cocher dans un programme de diversité. C’est la première étape indispensable pour rendre une équipe véritablement inclusive.

Cela commence par reconnaître que nous sommes tous, sans exception, porteurs de ces trois types de stéréotypes. Que nous les subissons et que nous les perpétuons, souvent inconsciemment. L’objectif n’est pas de culpabiliser, mais de prendre conscience.

Ensuite, il s’agit de créer des espaces où l’on peut nommer ces mécanismes sans jugement. Où une femme peut dire « j’ai peur que vous pensiez que… » et où un homme peut répondre « non, je ne pense pas cela ». Où l’on peut vérifier nos suppositions plutôt que de les laisser dicter nos comportements.

La prochaine fois que vous vous retenez de partager une idée, de poser une question, ou d’exprimer une émotion, posez-vous cette question : est-ce que je me censure à cause de ce que je crois que les autres pensent de moi ? Ou à cause de ce qu’ils pensent réellement ?